La problématique de la continuité écologique dans la vallée de la Seine, c’est quoi ?

La vallée de la Seine possède une grande variété de paysages, supports d’un formidable réservoir de biodiversité où chaque type de paysage correspond à des milieux hébergeant une flore et une faune spécifiques, voire rares. Pour la composante aquatique, la vallée de la Seine assure des fonctions écologiques de nourricerie, de transit et de croissance pour de nombreuses espèces, notamment pour les peuplements de poissons. Elle joue un rôle majeur pour les poissons migrateurs et résidents qui doivent circuler entre la mer, l’estuaire, le fleuve et ses affluents afin de réaliser tout ou partie de leur cycle de vie.

La continuité écologique c’est ainsi permettre la libre circulation des organismes vivants et le transport naturel des sédiments. Le projet CONSACRE s’intéresse à la continuité écologique de la Seine pour les poissons.

 

Continuité longitudinale de la Seine et de ses principaux affluents

Afin d’identifier les facteurs physiques et physico-chimiques limitant les potentialités actuelles de reconquête de la Seine et de ses affluents, il est nécessaire de comprendre les stratégies de colonisation des milieux adoptées par les poissons. Cela nécessite d’étudier deux facteurs essentiels : la disponibilité des habitats fonctionnels des poissons (alimentation, reproduction…) et leur accessibilité. L’étude des déplacements réels des individus au sein de la mosaïque des habitats accessibles est réalisée grâce à des suivis télémétriques réalisés en amont du barrage-écluse de Poses. L’analyse des données de vidéocomptage sur la Seine à Poses et sur l’Aisne à Carandeau donnent des informations essentielles sur les rythmes de passage des différentes espèces au niveau de ces obstacles.

 

 

 

Poissons migrateurs et espèces résidentes

Depuis la fin du 18e siècle les populations de poissons migrateurs ont été fortement fragilisées par l’intensification des pressions anthropiques dans l’estuaire de la Seine. Les grands aménagements entrepris sur le fleuve et sur ses affluents (barrages-écluses, travaux d’endiguement, suppression des îles, assèchement des marais…) et la pollution croissante de l’eau ont progressivement empêché l’accès aux zones de reproduction ou de nourricerie. Au point de faire disparaitre totalement certaines espèces jusqu’au début des années 1990. Si l’on observe aujourd’hui une recolonisation progressive des bassins versants par certains poissons migrateurs en raison d’une meilleure qualité de l’eau et de la mise en place de passes à poisson pour franchir les ouvrages, l’équilibre reste fragile.
L’étude s’intéresse aux possibilités de mouvement et de migration des poissons grands migrateurs : Saumon, truite de mer, aloses, lamproie marine, anguille et mulet porc et des petits migrateurs comme le barbeau fluviatile et le hotu.

 

Influence des obstacles physiques et des barrières physico-chimiques

L’état actuel des continuités écologiques est modélisé en fonction de la présence des ouvrages physiques et des barrières physico-chimiques. La franchissabilité des ouvrages physiques transversaux aux cours d’eau comme les barrages, les écluses, les seuils et les passes à poissons  n’est pas la même selon les espèces. Certaines nagent, d’autres peuvent sauter ou s’accrocher aux parois. La principale barrière physico-chimique est la teneur en oxygène dissous. Des scénarios de gestion pourront être évalués pour identifier des pistes opérationnelles améliorant la qualité de la continuité morphologique et physico-chimique des milieux aquatiques.

 

Approche historique et prospective

Des efforts ont été entrepris depuis la fin du XXème siècle pour améliorer la qualité des eaux, en particulier son oxygénation, et réaliser des aménagements facilitant la circulation des espèces, comme les échelles à poissons. Plus récemment, les voies navigables de France (VNF), mettent en place progressivement des ouvrages de franchissement: les passes à poissons au niveau des barrages de navigation. Une analyse historique depuis 1750 permettra d’établir comment la mise en place des ouvrages transversaux, leurs modifications au cours du temps, l’artificialisation des berges et la qualité de l’eau ont pu avoir un effet sur le franchissement par différentes espèces de poissons.

De même, l’étude considérera l’impact de scénarios climatiques sur la continuité écologique future. Les effets attendus de l’hydrologie, de la température et de l’oxygène sur les potentialités de recolonisation de la Seine par différents poissons pourraient permettre d’identifier les choix de restauration efficaces sur le long terme.

Enjeux de communication auprès des différents acteurs

La mise en œuvre de la restauration de la continuité écologique se confronte parfois sur le terrain à des oppositions. Les travaux de restauration de la continuité écologique peuvent aussi être envisagés comme une opportunité pour s’interroger sur le devenir de la rivière et la manière de répondre aux multiples enjeux que sa gestion pose. Pour cela, le projet propose de s’intéresser à la manière dont sont accompagnées les opérations de restauration de la continuité écologique sur la Seine et plusieurs de ses affluents. Il est proposé de dresser un inventaire des démarches innovantes déjà engagées sur l’axe Seine et sur les affluents qui favorisent la mise en place d’un dialogue et la construction de projets de restauration s’articulant avec les autres enjeux de territoire. Le rôle des opérations de communication, sensibilisation et concertation sera étudié sur plusieurs tronçons. Il s’agit de voir comment la restauration de la continuité écologique peut être conciliée avec les attentes des différents acteurs.

 

Zoom sur les poissons migrateurs

Historiquement, la Seine était un axe fluvial majeur pour les espèces migratrices colonisant le bassin versant, elles étaient pêchées dans l’estuaire avec des tonnages importants. Depuis la fin du XIXème siècle, l’extinction de la majeure partie des populations de poissons migrateurs s’est accélérée jusqu’aux années 1990 (lamproie marine, saumon atlantique, éperlan…) en lien avec les obstacles à la migration, la dégradation de la qualité de l’eau et la surexploitation.
En particulier, le déclin des populations de saumon au cours du XIXème siècle, amorcé avec la mise en place des barrages et réservoirs dans la partie amont du bassin pour le flottage du bois, est aussi le résultat du remplacement des barrages à pertuis par les barrages-écluses infranchissables. Ainsi, plus de 1 400 km de rivières sont totalement inaccessibles aux poissons migrateurs et près de 780 km le sont partiellement du fait des nombreux ouvrages infranchissables. Les suivis opérés à la passe à poissons du premier barrage depuis la mer (Poses) et sur les affluents estuariens indiquent la présence de divers migrateurs dont quelques centaines de saumons, des truites de mer, des lamproies marines, des aloses et des anguilles.

Des saumons juvéniles ont été capturés à partir de 2009 sur l’Andelle, un affluent de la Seine : une preuve attendue par les biologistes (article La Croix). Des salmonidés et des Aloses remontent sur l’Oise et l’Aisne en 2017.