Rédaction: Marie-Line MERG
Dans cette étude, l’état actuel des continuités écologiques est modélisé pour plusieurs espèces de poissons grands migrateurs en montaison, depuis l’estuaire de la Seine jusqu’aux frayères. L’intérêt de modéliser la continuité écologique est ici de pouvoir :
- Identifier des zones critiques pour la migration.
- Proposer, tester et comparer des scénarios de gestion pour identifier des pistes opérationnelles améliorant la qualité de la continuité des milieux aquatiques.
- Développer des indicateurs de continuité (ou métrique de connectivité) qui, en étant intégré dans des modèles de distribution d’espèces, permettraient d’améliorer leur performance prédictive (Davion et Jeliazkov, 2021).
Figure 1: Schéma représentant les éléments du paysage pouvant potentiellement contraindre la migration d’un poisson migrateur comme une truite de mer lors de sa migration depuis l’estuaire vers une frayère
PARTIE 1 : Méthodologie de modélisation de la continuité écologique |
Pour modéliser la connectivité fonctionnelle d’une migration de montaison de l’estuaire aux frayères potentielles, le travail a été divisé en six étapes:
- Choisir les secteurs géographiques d’étude et les espèces de poissons migrateurs cibles
- Identifier les frayères potentielles et évaluer leur disponibilité
- Identifier les éléments du paysage influençant la migration
- Attribuer des coûts de déplacement aux éléments du paysage
- Calculer des métriques de connectivité pour évaluer l’accessibilité aux habitats cibles
- Étudier l’effet de scénarios de restauration de la continuité écologique
1) Choix des secteurs et des espèces pour lesquels on modélise la continuité écologique
Figure 2: Linéaires de cours d’eau et espèces sélectionnés pour modéliser la continuité écologique
La modélisation de la continuité écologique est réalisée dans l’estuaire de la Seine entre Honfleur et Poses, dans le fleuve Seine entre Poses et Epône (confluence avec la Mauldre) et dans 5 affluents: l’Austreberthe, l’Eure, l’Andelle, l’Epte et la Mauldre (Figure 2).
Les trois espèces de poissons grands migrateurs sélectionnées: truite de mer (TRM), lamproie marine (LPM) et grande alose (ALA), sont anadromes: les adultes matures migrent de la mer vers les rivières pour se reproduire en eau douce (montaison) et les juvéniles retournent en mer pour grossir (dévalaison).
2) Identification des frayères potentielles : habitats cibles de la modélisation
Figure 3 : Les deux méthodes utilisées pour identifier les frayères potentielles
La cartographie des frayères potentielles de LPM, ALA et TRM/SAT sur l’Austreberthe, l’Andelle et l’Eure a permis de mettre en évidence le fort potentiel d’accueil pour les frayères de LPM (>25% de la surface en eau) sur ces cours d’eau. L’Austreberthe présente une potentialité d’accueil similaire pour les 4 espèces (20-26% de la surface). L’Andelle et l’Eure présente une potentialité d’accueil moindre pour ALA (resp. 9% et 1% de la surface). L’Eure présente le plus faible potentiel d’accueil pour les salmonidés (10% de la surface).
Tableau 1 : Potentialité d’accueil de frayères sur les affluents (% surface de frayère disponible)
3) Inventaire des éléments du paysage influençant la migration
Une migration amont, de la mer jusqu’à une zone de fraie, constitue un coût énergétique important pour un poisson. Ce coût énergétique va dépendre des éléments du paysage que le poisson va rencontrer au cours de sa migration. Certains éléments du paysage pourront contraindre le déplacement et en augmenter le coût: la présence d’obstacles, de pollutions et certaines conditions hydrodynamiques (ex. forte vitesse de courant). À l’inverse d’autres pourront favoriser le déplacement et en diminuer le coût: les périodes de flot dans l’estuaire, la présence d’abris.
Pour faire l’inventaire des éléments du paysage influençant la migration, des données issues de diverses sources ont été compilées et géoréférencées en fonction des périodes de migration des espèces (Figure 4).
Figure 4 : Bilan de données disponibles pour modéliser la continuité écologique sur la Seine et les affluents
4) Attribution des coûts de déplacement aux éléments du paysage
En confrontant ces éléments du paysage aux caractéristiques des espèces (ex. capacité de nage et de franchissement d’obstacle, seuil de tolérance aux pollutions et préférence d’habitat – Figure 4), nous avons construit des classes de perméabilité et attribué des coûts de déplacement (ou résistance) à chacun de ces éléments du paysage. Plus le coût est élevé plus le paysage est difficile à traverser. Un raster de coût est alors généré pour chaque variable du milieu.
Figure 5: Combinaison par multiplication des rasters de coût des variables environnementales. Si un ouvrage est présent sur le pixel, la valeur du pixel résultante sera la valeur du pixel de l’ouvrage (exemple avec un pixel ouvrage de valeur R=10).
Pour chaque cours d’eau et chaque espèce, les rasters de coût des variables sont ensuite combinés pour former un raster de coût unique. La combinaison de ces rasters de coût se fait en les multipliant entre eux (Figure 5).
5) Calcul des métriques de connectivité pour évaluer l’accessibilité aux habitats cibles
La métrique de connectivité que nous avons choisi d’utiliser dans cette étude est la distance fonctionnelle aux frayères. La distance fonctionnelle intègre à la fois la distance hydrographique à la frayère et la « résistance » du milieu. Elle est donc interprétée comme un proxy du coût de migration pour atteindre une frayère donnée.
La distance fonctionnelle est calculée par une approche de chemin de moindre coût (Le Pichon and Alp, 2018, Roy and Le Pichon, 2017) (Figure 6). Son calcul permet de tracer le chemin le moins coûteux pour atteindre une frayère mais aussi, en comparant cette distance fonctionnelle à un seuil, elle permet de conclure quant à l’accessibilité de la frayère.
Figure 6: Schéma simplifié des étapes de calcul de la distance fonctionnelle et de la représentation du chemin de moindre coût
6) Étudier l’effet de scénarios de restauration de la continuité écologique
A partir des modèles de continuité que nous avons développés, nous avons testé différents scénarios d’amélioration de la continuité écologique. Les ouvrages et les types de restauration de la continuité écologique à intégrer dans les scénarios ont été choisis en concertation avec les acteurs locaux (syndicats de bassin, DDTM). Les scénarios correspondent à l’enlèvement/l’équipement successif des ouvrages de l’aval vers l’amont. Pour exemple, sur la Mauldre, 8 scénarios (+1 scénario situation initiale) ont été construits en additionnant successivement de l’aval vers l’amont les travaux sur les 8 ouvrages sélectionnés.
PARTIE 2 : Exemple de résultats, sur l’estuaire, la Seine et un affluent |
1) La continuité écologique dans l’estuaire
Figure 7: Distribution des distances fonctionnelles (DF – proxy du coût de migration) pour parcourir l’estuaire d’Honfleur à Poses en fonction A) des espèces et B) des périodes de migration et des cas hydrologiques.
Note: Avril-Mai: migration ALA; Mai: migration LPM ; Juin-Juil: migration TRM (1ère vague); Sept-Oct: migration TRM (2ème vague). La distance hydrographique (DH) pour rejoindre Poses depuis Honfleur est donnée à titre comparatif.
- Y a-t-il des différences de coût de la migration pour traverser l’estuaire entre les espèces? Si oui, quelle(s) espèce(s) présente(nt) les coûts de migration les plus importants ?
D’après la Figure 7 (A), le coût pour traverser l’estuaire varient significativement entre certaines espèces. En effet, la migration de TRM semble plus coûteuse que celles de LPM et ALA.
- Y a-t-il une influence des périodes de migration sur le coût de la migration pour traverser l’estuaire? Si oui, quelle période est la plus coûteuse ?
D’après la Figure 7 (B), les DF pour traverser l’estuaire varient en fonction de la période de migration. Les migrations d’avril à mai (migration d’ALA et LPM) et de septembre à octobre (2ème vague de migration de TRM) sont peu coûteuses : les DF pour rejoindre Poses sont inférieures à la DH, traduisant l’effet facilitant du flot lors de la remontée. A l’inverse de juin à juillet (1ère vague de migration de TRM) les DF sont jusqu’à 3 fois plus élevées que la DH. Pour les TRM, la période de migration de Juin à Juillet (1ère vague) semble plus coûteuse que la période de migration de septembre à octobre (2ème vague).
- Y a-t-il une influence des cas hydrologiques sur le coût de la migration pour traverser l’estuaire ? Si oui, quel cas hydrologique est le plus coûteux ?
D’après la Figure 7 (B), pour une même période de migration, les DF pour traverser l’estuaire varient en fonction des cas hydrologiques: les DF sont plus élevées pour le cas « Qbas » que pour le cas « Qmoyen » et le cas « Qhaut ». Les années de bas débits semblent donc plus coûteuses pour la migration que les années à débit haut, cela étant particulièrement marqué en période estivale.
- Quels sont les éléments du paysage qui expliquent les coûts de migration sur l’estuaire?
L’exploitation des différentes données de physico-chimie nous a permis de conclure à l’absence de perturbations physico-chimiques chroniques dans l’estuaire qui compromettraient la migration des poissons étudiés. En effet, les valeurs moyennes relevées (O2, NO2, NO3) restent éloignées des seuils toxiques et létaux. Néanmoins, les sédiments de l’estuaire sont fortement contaminés par les PCB malgré leur interdiction depuis plus de 30 ans. Nous n’avons pas considéré ce paramètre ici, et avons fait l’hypothèse que les espèces étudiées, étant de passage dans l’estuaire, ne vivaient pas et ne se nourrissaient pas dans les sédiments et étaient donc moins exposées que les espèces résidentes et de fond.
Bien que les valeurs d’oxygène soient satisfaisantes depuis quelques années grâce à l’amélioration continue du traitement des eaux usées, l’estuaire reste un milieu fragile, et des situations proches de l’anoxie pourraient à nouveau se déclarer dans un contexte d’augmentation des températures et de diminution des débits.
Enfin, nous avons noté que la température de l’eau dans l’estuaire dépassait 20°C dans 50% du temps de la période de migration de la TRM lors de la 1ère vague migratoire (Figure 8). Ces conditions de température constituent une forte contrainte pour les salmonidés, qui arrêtent leur migration au-delà de 20°C et explique les coûts de migration plus élevés pour cette espèce en période estivale.
Figure 8: Pourcentage du temps où les températures dépassent 20°C dans l’estuaire sur la période Juin-Juillet (migration TRM) et comparaison des distributions de dépassement en fonction des cas hydrologiques. Données : MARS3D 2010-2018.
2 ) La continuité écologique dans la Seine
- Y a-t-il des différences de coût de la migration pour traverser la Seine entre les espèces? Si oui, quelle(s) espèce(s) présente(nt) les coûts de migration les plus importants ?
- Y a-t-il une influence des périodes de migration sur le coût de la migration pour traverser l’estuaire? Si oui, quelle période est la plus coûteuse ?
Figure 9: Distribution des distances fonctionnelles (DF) pour parcourir la Seine de Poses à Limetz (confluence avec l’Epte) en fonction A) des espèces et B) des périodes de migration de TRM.
Note: La flèche à gauche indique le coût croissant de la migration. Juin-Juil: migration TRM (1ère vague); Sept-Oct: migration TRM (2ème vague). La distance hydrographique (DH) pour rejoindre l’Epte depuis Poses est donnée à titre comparatif.
D’après la Figure 9 (A), on constate que quel que soit l’espèce considérée le coût pour traverser la Seine de Poses à Limetz est en moyenne 9 à 30 fois supérieur à la DH, ce qui révèle la présence de contraintes fortes dans le milieu. Ce coût varie néanmoins 1) entre les espèces: LPM a une DF moyenne 3 fois supérieure à celle d’ALA et 2) entre les périodes de migration : le coût de migration est 2 fois plus élevé lors de la première vague migratoire pour TRM que lors de la deuxième en automne (Figure 9 – B). La migration de TRM et de LPM semble plus coûteuse que celle d’ALA et la période de migration pour TRM semble fortement influencer le coût de migration
- Y a-t-il une influence des cas hydrologiques sur le coût de la migration pour traverser la Seine ? Si oui, quel cas hydrologique est le plus coûteux ?
La comparaison des distances fonctionnelles entre cas hydrologiques ne montre pas de corrélation particulière entre les débits bas/hauts et la distance fonctionnelle. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que nous n’avons considéré qu’une seule année par cas hydrologique. Ainsi, les résultats traduisent d’avantage une variabilité interannuelle de coût de migration, qu’un effet des bas/hauts débits sur le coût de la migration.
- Quels sont les éléments du paysage qui expliquent ces coûts de migration ?
L’exploitation des données sur la Seine a montré que:
– L’oxygène dissous reste en moyenne supérieur à 6 mg/L (seuil pour les salmonidés) pour les différentes périodes migration. Toutefois, ponctuellement, la concentration passe sous le seuil de tolérance des salmonidés et peut chuter à 4 mg (O2)/L. En 2011, les valeurs d’oxygène étaient inférieures à 6 mg (O2)/L dans plus de 70% du temps en amont du barrage de Poses, dans plus de 50% du temps en amont du barrage de Notre Dame de la Garenne/Port-Mort et dans 30% du temps en amont du barrage de Méricourt (Figure 10 A).
– la température médianes de l’eau en juin-juillet (période de migration des salmonidés) à Poses est de 21,5°C (données Naïades 2008-2010), seuil de bon état pour les salmonidés, avec des températures qui peuvent ponctuellement atteindre 25°C (seuil létal). En 2007, sur la Seine, les températures dépassaient les 20°C dans 30 à 60% du temps entre juin et juillet (Figure 10 B).
Figure 10: Pourcentage du temps sous le seuil de 6 mg(O2)/L en Mai 2011 (A) et au-dessus de 20°C en Juin-Juillet 2007 (B). Données: Prose-PA (Wang, 2019)
– les concentrations en nitrites (NO2–) dépassent systématiquement le seuil de bon état (0.3 mg (NO2-)/L) pour les différentes périodes migration et peuvent atteindre des valeurs de 1 mg (NO2-)/L (données Prose-PA).
– Les autres paramètres étudiés (NH4+, NO3-, PO42-) ne semblent pas, en moyenne, présenter de problème pour la migration avec des valeurs moyennes sous le seuil de bon état (données Naïades).
Figure 11 : Evolution du coût de migration (distance fonctionnelle) entre Honfleur (dans l’estuaire) et Epône (sur la Seine) en fonction de l’ajout des variables du milieu dans le modèle pour TRM en condition de bas débit sur la période de migration de Juin à Juillet.
Note: V: le modèle intègre uniquement la vitesse de courant; V+OH: vitesse+ouvrages hydrauliques;V+OH+T:vitesse+ouvrages hydrauliques+température; V+OH+T+O2:vitesse+ouvrages hydrauliques+température+oxygène; V+OH+T+O2+NO2: vitesse+ouvrages hydrauliques+température+oxygène+nitrites.
La Figure 11 permet de voir la contribution de chaque variable dans le coût de la migration sur l’axe estuaire-Seine pour l’espèce TRM pour la période de migration de Juin à Juin dans un cas de bas débit. On constate donc que 1) les ouvrages physiques (OH) contribue à augmenter ponctuellement le coût de la migration dans la Seine (– – –). Au coût des ouvrages physiques s’ajoute le coût des conditions physico-chimiques défavorables. En effet, même ponctuellement, des températures de l’eau supérieures à 20°C (– – –), des valeurs d’oxygène dissous inférieures à 6 mg/L (– – –) et des concentrations en nitrites supérieures à 0.3 mg (NO2-)/L (– – –) augmentent progressivement et considérablement le coût de la migration.
3) La continuité écologique dans un affluent de la Seine : exemple de la Mauldre
- Quelle est la situation actuelle d’accès aux frayères potentielle sur l’affluent ? Quelles sont les principaux obstacles qui contraignent l’accès aux frayères ?
Figure 12 : Situation actuelle d’accès aux frayères potentielles sur la Mauldre pour TRM (sans prise en compte des conditions dans l’estuaire et le fleuve)
Pour accéder à la Mauldre à Epône, un poisson doit parcourir 260 km depuis Honfleur. Le coût « naturel » de migration pour accéder à cet affluent (sans autres contraintes) est donc plus élevé que pour accéder à un affluent plus proche de l’estuaire. Ce coût naturel est intégré à la modélisation comme un filtre naturel d’accessibilité pour une partie de la population. Ainsi, actuellement, 85% des frayères de TRM sont partiellement accessibles sur la Mauldre et 15% des frayères sont inaccessibles (Figure 12). En effet, le seuil du moulin de Beynes, situé à environ 17 km de la confluence avec la Seine, est infranchissable et empêche l’accès aux frayères potentielles en amont.
- La prise en compte des conditions dans l’estuaire et dans le fleuve modifie-t-elle l’accessibilité aux frayères ?
Figure 13 : Effet des conditions de l’estuaire et du fleuve sur l’accès aux frayères potentielles sur la Mauldre
La prise en compte du coût de traversée dans l’estuaire et le fleuve modifie l’accessibilité des frayères potentielles dans la Mauldre (Figure 13). En effet, la proportion de frayères initialement partiellement accessible (85%) devient inaccessible. Cette réduction d’accessibilité est liée au cumul des conditions contraignantes de température dans l’estuaire et dans le fleuve (de Juin à Juillet), aux concentrations élevées en nitrites dans le fleuve, et à l’impact des ouvrages de navigation de Poses, Port-Mort et Méricourt à franchir qui augmentent le coût de migration pour accéder à l’affluent (Figure 11) et pourrait expliquer l’absence de l’espèce sur le bassin de la Mauldre.
- Comment les scénarios de restauration de la continuité écologique influencent-ils l’accessibilité aux frayères ? Quel est le gain de surface de frayères accessibles en fonction des scénarios ?
Figure 14 : Effet des scénarios de restauration sur l’accès aux frayères potentielles sur la Mauldre
La Figure 14 montre l’évolution du % de surface de frayères accessibles pour les 4 classes d’accès en fonction de la distance depuis le fleuve et des scénarios de suppressions/d’aménagements successifs d’ouvrages d’aval en amont. En complément, la Figure 15 permet de visualiser sur une carte la localisation des ouvrages avec scénarios ainsi que les gains (en %) d’accessibilité aux frayères en fonction des classes d’accessibilité.
L’effacement du déversoir du Moulin de la Chaussée (1), du Moulin de la Ville (2), du seuil de la Chaussée St-Vincent (3) et du déversoir du Radet (4) ne modifient pas le profil d’accès aux frayères car ces ouvrages peuvent être soit contournés par des bras secondaires sans coût supplémentaire ou être franchis à faible coût. L’effacement successif du seuil de l’usine Prosynthèse (5), du seuil de la Maladrerie (6) et du seuil du grand moulin à Beynes (7) permet un gain d’accessibilité de surface de frayère de 15%. Enfin, l’effacement du seuil du plan d’eau de Beynes ne modifie pas le profil d’accessibilité car il peut être franchi par TRM à faible coût.
Figure 15 : Gain d’accessibilité (en %) aux surfaces de frayères potentielles sur la Mauldre en fonction des ouvrages avec scénarios.
Note : Les couleurs vert, jaune, orange et rouge indiquent les classes d’accessibilité aux frayères.
- Comment le coût de la migration évolue-t-il le long du linéaire hydrographique ?
Figure 16: Evolution du coût de migration (distance fonctionnelle) pour accéder aux frayères potentielles de TRM sur la Mauldre en fonction de la distance depuis le fleuve pour 3 cas : situation actuelle (en bleu), situation fictive sans les ouvrages prioritaires (en vert) et situation fictive sans aucun ouvrage (en noir).
Note: La position kilométrique des ouvrages bloquant et prioritaires (trait rouge) figure sur l’axe du haut. La flèche à gauche indique le coût croissant de la migration. Les traitillés horizontaux indiquent les classes d’accessibilité aux frayères.
D’après la Figure 16, le profil de coût de migration actuelle suit le profil sans ouvrages prioritaires les 9 premiers kilomètres. Il augmente ensuite à Maule du fait de la présence de plusieurs seuils (seuil du moulin de la ville, seuil de la Chaussée et seuil de la résidence cœur de Maule). Il se stabilise ensuite pour réaugmenter fortement après le kilomètre 15, du fait de la présence des seuils de l’usine Prosynthèse et du moulin de la Maladrerie. Le coût dépasse alors le seuil d’inaccessibilité des frayères en amont de ces deux ouvrages. L’effacement des ouvrages prioritaires permet de réduire considérablement le coût d’accès aux frayères puisque le profil de coût est quasi similaire au profil sans ouvrage, permettant ainsi 100% d’accès aux frayères sur la Mauldre.
- Existe-t-il d’autres obstacles qui pourraient contraindre l’accès aux frayères?
La Mauldre comprend 3 stations de suivi physico-chimique. L’exploitation des données Naïades témoigne d’une pollution chronique aux composés phosphatés et azotés. Les concentrations en nitrites dépassent régulièrement le seuil de 0.5 mg (NO2–)/L (mauvais état) au niveau de la station d’Épône. À noter aussi, que les MES dépassent ponctuellement 150 mg/L. Ces pollutions ponctuelles et chroniques rendent donc peu attractives l’entrée dans la Mauldre depuis le fleuve et peuvent générer des coûts supplémentaires pour la migration et contraindre voire compromettre la migration dans l’affluent.
CONCLUSION:
Dans cette étude, nous avons montré comment il était possible de modéliser le coût de migration d’une espèce de poisson, de l’estuaire jusqu’aux frayères, à partir de différents types de données environnementales, issues de diverses sources (modèle hydrodynamique, modèle biogéochimique, inventaire de terrain, dire d’experts etc.). Nous avons également proposé d’utiliser ces modèles pour tester différents scénarios d’amélioration de la continuité écologique en cours d’eau.
Les résultats obtenus témoignent de l’importance de quantifier la disponibilité des habitats (ici les frayères) et d’évaluer leur accessibilité à une échelle cohérente (ici l’intégralité du parcours migratoire de l’estuaire jusqu’aux frayères). En effet, les contraintes dans l’estuaire, le fleuve et les affluents se cumulent sur le parcours migratoire et augmentent le coût de la migration, conditionnant l’accessibilité aux habitats.
A noter, que ces résultats sont issues d’une modélisation, par conséquent ils doivent être discutés et interprétés au regard des coefficients de coût attribués à chaque élément du paysage. La calibration des coefficients de coût dans le modèle reste une étape cruciale et difficile et il convient de les valider, quand cela est possible, à partir de données biologiques/de terrain. Les données de télémétrie collectées lors des campagnes de suivi sur la Seine de 2020 à 2021 contribueront à améliorer la modélisation.