Pour bien comprendre la continuité écologique actuelle de la Seine pour les poissons, celle-ci a été mise en perspective de situations historiques. Les obstacles à la circulation, l’artificialisation des berges, le faible taux d’oxygène et les modifications de température des eaux depuis le milieu du XIXème siècle sont ainsi les principaux blocages identifiés et analysés. L’aménagement de la Seine entre Poses et Paris a été étudié de manière approfondie pour retracer l’histoire du secteur.

Lorsque le barrage d’Amfreville a été construit en 1850 juste en amont de Poses, dans la partie de la Seine naturellement soumise à marée, c’était le premier ouvrage venant de la mer. Pour augmenter encore le secteur navigué sans effet de la marée, le déversoir de Martot a été construit 16 km en aval en 1864 (hauteur de chute: 0,3 m à marée haute et 3 m à marée basse), suivi du déversoir de Poses en 1881. Au total, entre 1846 et 1886, 12 barrages de navigation ont été construits entre la mer et Paris dont 10 sur le chenal principal. Ces barrages, à l’origine de type « à fermette et aiguilles » (Ingénieur F. Poirée dès 1830) ont été progressivement rénovés par un type « à rideau » puis « à vannes mobiles ».

La compilation des archives disponibles montre notamment que des échelles à poissons avaient été mises en place sur les barrages dès la fin du XIXème siècle, en application de la loi pêche de 1865. En 1920, 9 ouvrages de franchissement pour les poissons sont comptabilisés entre Paris et Martot !

Echelle à poissons sur le barrage mobile à aiguilles de Martot en 1895.

Chaque hiver, avant les crues, les aiguilles sont retirées et les fermettes mobiles couchées au fond du lit du cours d’eau.

 

Entre 1960 et 1980, certains barrages sont supprimés et d’autres rehaussés à l’occasion de leur rénovation. Cette rénovation s’accompagne de la disparition des échelles à poissons . Il a fallu attendre la loi pêche de 1984 puis la Directive Cadre sur l’Eau de 2000 pour assister à un renouveau des passes à poissons sur la Seine. Actuellement, 7 passes à poissons équipent les barrages entre Poses et Chatou, la plus ancienne a été construite en 1991 à Poses au niveau de l’usine hydro-électrique.

Evolution des aménagements influençant la continuité écologique de la Seine de 1900 à 2018.

Le point kilométrique est à zéro dans Paris (île de la cité), la hauteur de la ligne d’eau est à zéro en aval du premier barrage de navigation.

 

En parallèle, l’évolution des obstacles chimiques (déficits en oxygène, température) a également été explorée pour déterminer des dates clefs de rupture de la continuité écologique sur la Seine. Nous avons pu utiliser des mesures mensuelles/trimestrielles réalisées entre 1871 et 1938 par le département de chimie de l’Observatoire de Montsouris pour 22 stations situées entre Paris à Rouen. L’Agence de l’eau du bassin Seine-Normandie (créée en 1964 pour surveiller la qualité des systèmes aquatiques) a fourni des mesures mensuelles d’oxygène remontant à 1971 pour 41 stations de Paris à Honfleur. Le service de navigation de la Seine a fourni des mesures mensuelles de DO pour la période 1955-2015 de Poses à Honfleur. Nous avons pu réaliser ainsi des cartographies des conditions de migration pour plusieurs espèces de poissons migrateurs.

Evolution des teneurs en oxygène dissous de Paris à la mer pour la période juin-juillet des années 1960-1980.

 

Cette étude historique a permis de mettre en lumière les grandes périodes de modification de la continuité écologique en regard de l’évolution de présence de quelques espèces de poissons migrateurs (pour en savoir plus: article publié dans Water). Elle peut ainsi participer aux réflexions d’évolution de la continuité écologique dans des scénarios plus prospectifs, notamment en lien avec le changement climatique.

Evolution de la présence de quelques espèces de poissons migrateurs et grandes périodes de modification des continuités physiques et chimiques

 

Tout s’explique : Nouveau numéro

Continuité écologique: une mise en perspective historique riche en enseignements