Rapport final « transfert du sédiment au biote – construction de modèles dans une perspective de gestion »

Rapport finalisé le 27 juin 2011, publié le 28 juin 2011 pour une période de commentaires ou de questions

 

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Résumé

Le plan national d’actions sur les polychlorobiphényles (PCB), adopté en février 2008, inclut un axe de renforcement des connaissances, dont la première action, dans laquelle s’insère cette étude, concerne la compréhension des relations entre la contamination des sédiments et celle des poissons. Il s’agit (i) d’améliorer la compréhension de ces relations en les décrivant par un modèle cinétique de bioaccumulation, qui permette entre autres (ii) de déterminer un niveau seuil de PCB dans les sédiments au-dessus duquel les poissons ne seraient pas conformes au seuil réglementaire de 8 pg TEQ.g-1 de poids frais, et enfin (iii) de déterminer les tendances temporelles et spatiales de la contamination des poissons et des sédiments par les PCB.
L’évaluation des tendances de la contamination des sédiments repose sur l’étude de carottes de sédiments collectées sur cinq sites du Rhône (lône de la Morte, Crépieux, Grand Large, Table Ronde et lône de l’ile du Beurre) et un affluent, le Gier, datées à l’aide principalement de marqueurs radioactifs. 18 congénères de PCB ont été analysés sur des tranches de l’ordre du cm. En complément, la contamination de la couche superficielle des sédiments du plan d’eau du Grand Large a été cartographiée de manière extensive (16 points sur 144 ha). Les données recueillies dans cette première partie de l’étude montrent un gradient de contamination de l’amont vers l’aval, avec des apports significatifs à l’amont et à l’aval de l’agglomération lyonnaise. Elles soulignent également une tendance nette à la diminution des concentrations dans le temps, tendance plus marquée à l’amont de l’agglomération lyonnaise qu’à l’aval, où le Gier notamment contribue à la contamination du Rhône avec des concentrations encore élevées. L’interprétation des caractéristiques granulométriques et de la distribution des congénères soulignent également le rôle des crues et plus généralement la dynamique hydro-sédimentaire du Rhône, et pour la partie amont le rôle des chasses sédimentaires, dans la redistribution de la contamination dans le système.
Sur trois des cinq sites précités, la Morte, Grand Large et ile du Beurre, trois espèces de poisson, la brème commune (Abramis brama), le barbeau (Barbus barbus) et le chevaine (Squalius cephalus) ont été capturés, ainsi que les invertébrés constituant la base de leur alimentation, à savoir larves de chironomes, gammares, éphémères, et mollusques bivalves (corbicules et pisidium). L’ensemble de ces échantillons a fait l’objet d’analyses d’isotopes froids du carbone (delta13C) et de l’azote (delta15N), ainsi que de PCB, 7 à 18 congénères selon le type d’échantillon. Les caractéristiques biométriques des poissons (taille, masse, âge) ont également été relevées, et les contenus stomacaux de chaque individu analysés. Un modèle de régression log-linéaire visant à expliquer la contamination de la chair des poissons, et un modèle linéaire généralisé, visant à estimer la probabilité de dépasser le seuil sanitaire ont été développés en utilisant toutes les variables explicatives disponibles. Par régression pas à pas descendante, seules les variables significatives ont été conservées : le meilleur modèle log-linéaire, qui explique 78 % de la variabilité totale de la contamination, toutes espèces confondues sur l’ensemble des sites, est obtenu avec seulement trois variables : la taille des poissons, la proportion de carbone d’origine détritique dans leur alimentation, et la concentration maximale dans le sédiment à laquelle ils ont été exposés durant leur vie. Le modèle linéaire généralisé estimant la probabilité de dépasser le seuil explique quant à lui 70% de la variabilité avec les trois mêmes variables. Ces résultats confirment le rôle prédominant du compartiment sédimentaire dans le processus de contamination des poissons.
Un modèle de bioaccumulation à base physiologique a également été développé pour le congénère PCB#153 à partir des données expérimentales recueillies dans cette étude, de données historiques sur la température de l’eau du Rhône, et d’informations collectées dans la littérature sur la physiologie des poissons ou la cinétique d’accumulation des PCB par les invertébrés. Ce modèle a été discrétisé par classes d’âge de poisson, et prédit de fortes variations saisonnières du niveau de contamination de chaque individu, qu’il a été impossible de vérifier expérimentalement. Les concentrations prédites par le modèle comparées aux niveaux observés dans les poissons montrent qu’il est assez robuste, avec un seul faux négatif sur 114 cas. La proportion de faux positifs est cependant plus élevée, essentiellement à cause du chevaine, pour lequel le modèle surestime globalement les niveaux de contamination. Cela pourrait être dû au fait que dans la modélisation le régime alimentaire de chaque espèce est fixe quel que soit l’âge de l’individu, alors que le chevaine est particulièrement opportuniste. L’analyse de sensibilité montre qu’aucun paramètre de ce modèle n’influence la proportion de faux négatifs, et que les paramètres influant le plus la qualité d’ajustement sont ceux décrivant la voie trophique (efficacité d’assimilation, préférences alimentaires vis à vis de certaines proies, concentrations dans les proies, concentrations dans le sédiment), ainsi que le taux d’excrétion.
Ces deux approches de modélisation ont été utilisées pour déterminer des concentrations dans le sédiment au-dessous desquelles les poissons seraient conformes au seul réglementaire de consommation. Avec le modèle statistique (log-linéaire) 90% des poissons de notre jeu de données seraient conformes si la somme des concentrations des PCB indicateurs dans le sédiment était inférieure à 5.9 ng.g-1 (poids sec). En contraignant le modèle à base physiologique de façon à ce que les poissons ne dépassent jamais le seuil réglementaire, les concentrations seuil obtenues varient entre 2.6 et 14 ng.g-1 (poids sec) selon l’espèce et le site, ce qui paraît assez convergent avec l’approche statistique.
On peut enfin estimer que le niveau de contamination a baissé de manière continue dans les poissons du site de la Morte au cours des périodes 1970-84, 1985-99 et 1995-2009. Il a probablement augmenté dans les poissons du Grand Large jusqu’à 1997-98, et serait actuellement en diminution, sans qu’il soit possible avec le modèle statistique de prédire à quel moment les poissons seront tous conformes au seuil réglementaire. Il a diminué dans la période la plus récente à l’île du Beurre par rapport aux périodes précédentes, mais les fluctuations des concentrations dans les sédiments, influencées par l’hydrologie sur ce site et les apports du Gier, ne permettent pas de prédire une tendance à moyen terme pour les poissons de ce secteur.


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