Combien de temps va durer la contamination du Rhône par les PCBs ?
Cette question a été soulevée dès 2007, notamment par rapport à la contamination des poissons. Elle figurait aussi parmi les aspects que voulait traiter le projet « transfert des PCB du sédiment au biote – construction de modèles dans une perspective de gestion » dont différents produits sont présentés sur ce site.
Un des éléments de réponse fournis par ce projet a été de déterminer des niveaux de concentration dans les sédiments compatibles avec les seuils réglementaires de contamination des poissons. Plusieurs approches ont été utilisées :
- Examen conjoint, sur l’ensemble du bassin Rhône-Méditerranée, des résultats d’analyse dans les sédiments et dans les poissons.
- Approche statistique sur les données du projet susmentionné.
- Modèle numérique reproduisant les processus physiologiques en lien avec la contamination du poisson.
Les niveaux de concentrations dans le sédiment issus de ces approches varient entre quelques microgrammes par kg de matière sèche (µg.kg-1 ps) et 27 µg.kg-1 ps (poids sec). On retiendra, pour la suite du propos, les valeurs de 10 et 27 µg.kg-1 ps.
Un deuxième élément de réponse a été obtenu à partir de l’étude de carottes de sédiments, réalisée en partie dans l’étude citée, et par la suite étendue vers l’aval grâce à l’Observatoire des Sédiments du Rhône. Ces carottes, sous réserve que le site de prélèvement ne soit pas érodé par des crues, représentent des archives de la contamination et des évènements tels que chasses sédimentaires ou crues du Rhône ou de ses affluents.
La figure ci-dessous représente une synthèse des résultats obtenus sur 8 carottes ; chaque point représente la valeur médiane des concentrations par période de 10 ans.
Les lignes horizontales correspondent aux valeurs de 10 et 27 µg.kg-1 ps présentées ci-dessus. Ce graphique apporte deux enseignements :
- A chaque période, on constate une augmentation sensible des concentrations de l’amont vers l’aval ; elle s’explique par l’effet des rejets de toute nature (sites de production des PCB avant leur interdiction, sites d’utilisation, sols pollués, rejets des stations d’épuration …). On notera en particulier l’impact de l’Isère (entre les sites notés ARS et GEC).
- Au cours du temps, les concentrations des PCBs diminuent fortement : cela se lit verticalement sur chaque site.
Selon cette synthèse, la contamination des sédiments est inférieure aux seuils de 10 ou 27 µg.kg-1 ps jusqu’à Lyon, et supérieure ou égale à ces valeurs à l’aval de Lyon. Pour les deux sites les plus aval (ARS et GEC), il faudra encore plusieurs années pour les dépasser. La figure suivante tente de prédire le temps nécessaire pour le site de GEC, en comparant les valeurs mesurées dans la carotte à une prédiction basée sur un ajustement statistique simple à ces données.
On constate qu’il faudra entre 5 et 15 ans pour passer en-dessous des seuils de 10 ou 27 µg.kg-1 ps, mais aussi que la précision du modèle n’est pas très bonne.
La prédiction de la durée de la contamination chez les poissons est beaucoup plus difficile ; l’approche statistique et le modèle « physiologique » mentionnés plus haut permettent de relier les sédiments aux poissons sous certaines conditions, mais d’autres informations seraient nécessaires pour prédire le retour de la population entière en-dessous d’un certain niveau. Le modèle physiologique, par exemple, permet de fixer un niveau de PCB dans les sédiments à ne pas dépasser pour que les poissons soient conformes au seuil réglementaire tout au long de leur vie. Mais la population de poissons présente sur un site à un moment donné comporte des individus plus ou moins âgés en proportions inconnues ; les plus âgés ont été exposés à des niveaux de PCB plus élevés qu’aujourd’hui, et leur espérance de vie n’est pas bien connue non plus. Il manque donc un certain nombre d’informations pour procéder à une simulation des tendances « moyennes » chez les poissons, c’est pourquoi il n’a pas été possible de le faire jusqu’à présent.