PCB, mercure, polybromodiphényl-éthers et composés perfluorés. Etude statistique exploitant la base de données « bassin du Rhône ». Facteurs d’accumulation sédiment-biote et détermination d’un seuil PCB indicatif dans le sédiment visant à prédire le dépassement du seuil sanitaire dans les poissons
Adopté en décembre 2007, le programme d’actions « Pollution PCB » 2008-2010 du bassin Rhône-Méditerranée vise à mieux comprendre les origines, les mécanismes et l’étendue de cette pollution par les polychlorobiphényles (PCB) à l’échelle du bassin. Les sédiments fins sont reconnus pour jouer un rôle clé dans le processus de contamination du biote, y compris les poissons. L’implication des sédiments dans le processus de contamination recouvre plusieurs enjeux différents, notamment le niveau de concentration admissible dans les sédiments par rapport à la consommation des poissons. Répondre à cette question implique de comprendre, à large échelle spatiale, ce qui détermine les concentrations de PCB dans la chair des poissons.
La présente étude a consisté à exploiter la base de données développée dans le cadre de ce plan d’actions, pour répondre aux principaux objectifs ci-après : (i) déterminer une concentration de PCB indicateurs (PCBi) dans les sédiments compatible avec le seuil réglementaire en équivalent toxique dioxine (TEQ totale) dans les poissons, (ii) étudier les facteurs écologiques ou physiologiques expliquant l’accumulation du mercure par les poissons, (iii) de même que les éléments pouvant expliquer l’accumulation des polybromo-diphényl-éthers (PBDE) et des composés perfluorés (PFC).
L’analyse de la distribution des concentrations en TEQ a montré que les anguilles, silures, barbeaux, brèmes et carpes ont des distributions de concentrations très variables contrairement aux tanches, gardons, chevaines, brochets et sandres. Les brochets et sandres sont les espèces les moins contaminées. L’espèce ainsi que le poids et la matière grasse étudiés toutes espèces confondues sont des facteurs très bien corrélés à la TEQ totale des poissons.
Les distributions probables des facteurs d’accumulation sédiment-biote (BSAF) ont été déterminés pour le congénère PCB indicateur #153 par bootstrapping, à l’échelle du bassin Rhône-Méditerranée, pour une dizaine d’espèces. Les BSAF les plus élevés sont obtenus pour le barbeau et l’anguille, les plus faibles pour la carpe et le chevaine. Les concentrations de PCB indicateurs dans les sédiments et les BSAF des sites où les poissons dépassent la norme alimentaire sont plus élevées que dans les sites où les poissons ne dépassent pas cette limite.
Une valeur seuil de 27 µg.kg-1 poids sec (15.6 – 39.3) correspondant au seuil réglementaire de 8 pg TEQ.g-1 pf dans la chair des poissons a été déterminée sur la base de la distribution des BSAF du barbeau. L’efficience de ce seuil reste toutefois limitée à ~60%.
Les espèces les plus contaminées par le mercure sont le barbeau et la tanche, et dans une moindre mesure les anguilles, les sandres et les brochets. La plupart des échantillons se situent entre la norme de qualité environnementale (NQE) pour le biote établie dans le cadre de la Directive 2000/60 pour l’eau (DCE) et la norme alimentaire européenne.
Parmi les 9 congénères de PBDE analysés, le #47 apparaît dominant, suivi par le congénère #209. Les profils de contamination diffèrent entre espèces : ceux de l’anguille et du chevaine sont marqués par les congénères #47, #100 et #209, ceux du barbeau et du hotu essentiellement par les congénères #47 et #209. La truite de rivière présente un profil à part, avec les congénères #47, #99, #100 et #209. Ces différences interspécifiques pourraient s’expliquer en termes de sources (notamment transport atmosphérique) et de métabolisation hépatique.
Les PFC les plus fréquemment quantifiés sont les perfluoro-octanoates (PFOS, PFOSA), perfluoro-nonanoate (PFNA), -décanoate (PFDA) et -undécanoate (PFUnA). Lorsque l’on considère la somme des 17 PFC analysés, les espèces les plus accumulatrices sont le goujon, le gardon, et dans une moindre mesure l’anguille et le barbeau. Les différences interspécifiques paraissent moins marquées si l’on considère le PFOS seul. En dehors du PFOS, 1 à 7 PFC différents sont présents par station, ce qui renvoie à une contamination diffuse et des sources ponctuelles ; plusieurs secteurs où des sources ponctuelles peuvent être suspectées ont été identifiés.
Des NQE sont en préparation pour les PBDE (Penta- et Octa-BDE), ainsi que pour le PFOS. Il serait donc intéressant de confronter ces NQE aux données recueillies dans le bassin Rhône-Méditerranée.
Le chevaine ressort en quelque sorte comme l’espèce médiane de la base de données. Cette observation, ainsi que la répartition géographique étendue de cette espèce, militeraient pour recommander le chevaine comme une espèce sentinelle. Toutefois, cette espèce n’accumule pas beaucoup les PCB ni le mercure. Le barbeau, moins répandu, représente une espèce qui au contraire accumule aussi bien le mercure que les PCB ou les PBDE, et relativement fortement les PFC. L’utilisation de cette espèce paraît notamment indispensable pour étudier les tendances à long terme, notamment dans le cas des PCB. Dans cette même perspective de surveillance du biote vis à vis de polluants prioritaires ou persistants, il paraît indispensable de réduire le nombre d’espèces analysées. Plus généralement, dans la perspective d’une bonne surveillance de l’accumulation des polluants persistants dans le biote, il paraît indispensable de réduire le nombre d’espèces capturées et de se concentrer sur des espèces abondantes, à large répartition spatiale, et représentatives en termes d’accumulation. Les espèces les plus représentées dans la base de données du bassin Rhône-Méditerranée sont l’anguille, le barbeau fluviatile, le chevaine, le gardon, le hotu, et la truite de rivière. Ces espèces sont aussi celles qui accumulent le plus, avec des différences qu’il importe de mieux comprendre, l’ensemble des contaminants étudiés dans le bassin (PCB, PBDE, PFC, mercure en particulier).